>Ficha
**** Action. États-Unis, 2023. Durée : 163 min. Réalisé par : Christopher McQuarrie. Scénario : Christopher McQuarrie, Erik Jendresen. Musique : Lorne Balfe. Photographie : Fraser Taggart. Avec : Tom Cruise, Rebecca Ferguson, Vanessa Kirby, Simon Pegg, Pom Klementieff et Hayley Atwell.
Le 17 septembre 1966, la mèche s’allume pour la première fois alors que la chanson extraordinaire de Lalo Schifrin jouait, Si vous décidez de l’accepter, une mission sera confiée à Dan Briggs à travers un enregistrement qui s’autodétruira au bout de quelques secondes. Mission : Impossible est né, le chef-d’œuvre télévisé produit, écrit et réalisé par un génie du nom de Bruce Geller, décédé prématurément à l’âge de 47 ans après avoir laissé, en tant que co-scénariste et producteur exécutif, sa marque sur des séries western mythiques telles que Rawhide, The Rifleman, Have Gun, Will Travel ou The Rebel, et de créer Mannix entre 1967 et 1975. Après 171 épisodes, Mission : Impossible est interrompu le 30 mars 1973. Une deuxième série d’épisodes est produite entre 1988 et 1990, mais sans la force et l’originalité de la première.
Dans son curieux rôle de revivificateur cinématographique de séries télévisées mythiques, Brian De Palma, tant porté aux réécritures parodiques de classiques de l’horreur («Le Fantôme du Paradis»), des gangsters (Scarface), d’Antonioni (Blow Out) ou d’Hitchcock ( Sisters, Obsession), il relance Les Intouchables en 1987 (série diffusée entre 1959 et 1953) et en 1996 -exactement 30 ans après la diffusion du premier épisode- Mission : Impossible, réalisant l’un de ses meilleurs films.
Cela nous amène à ce septième volet (le premier d’un diptyque dont le deuxième volet sera le huitième volet en juillet 2024) de la série commencée par De Palma en 1996, qui sort actuellement, et à Tom Cruise, soul , inspiration, coproducteur et interprète de cette franchise qui, première après première, bat des records au box-office. Il est possible de ne pas prendre Cruise trop au sérieux en tant que grand acteur, même si ce serait une erreur puisque son instinct et/ou son intelligence, même avec des hauts et des bas dans sa très longue carrière commencée il y a 42 ans, l’ont fait être choisi ou choisir – pour ne citer que les plus grands – d’être dirigé par Coppola, Scorsese, De Palma, Stone, Pollack, Kubrick, P. T. Anderson ou Spielberg. En plus d’avoir joué dans certains des plus gros blockbusters de l’histoire du cinéma et d’avoir accompli la tâche presque impossible de devenir un immense succès public – son film le plus rentable à ce jour – et des critiques ! le retour de Top Gun 36 ans plus tard (sauvetage du cinéma dans les salles après la pandémie). En tant qu’acteur, il s’est efforcé d’investir son capital d’acteur pas si grand, en en tirant le meilleur parti. Mais en tant que producteur, c’est tout simplement un génie.
C’est Cruise, fan de la série originale et sûr de ses possibilités au cinéma, qui a convaincu une Paramount hésitante qui possédait les droits sans décider de la produire de la coproduire avec sa société de production nouvellement créée. C’est Cruise qui a engagé Sidney Pollack pour un premier traitement et enfin les grands scénaristes Robert Towne et David Koepp pour le scénario final. C’est Cruise qui a engagé De Palma pour le diriger. Et c’est Cruise qui a promu le casting de luxe très cher qui réunissait Vanessa Redgrave, Jon Voigt, Emmanuelle Béart, Jean Reno, Emilio Estévez ou encore Kristin Scott Thomas. Le résultat a été un chef-d’œuvre de film d’action.
Dès lors jusqu’à aujourd’hui, Cruise a contrôlé la production de livraisons successives, en confiant les directions à John Woo (Mission Impossible 2, 2000), J. J. Abrams (Mission Impossible 3, 2006), Brad Bird (Mission Impossible : Ghost Protocol, 2011 ) et Christopher McQuarrie (Mission Impossible : Secret Nation et «Mission Impossible : Fall Out», 2015 et 2018), avec de si bons résultats dans les deux derniers cas qu’il a également été commissionné pour ce nouvel opus. C’est un scénariste important -il a remporté l’Oscar des Usual Suspects- et après avoir écrit les scénarios de Valkyria, Edge of Tomorrow et The Mummy, et réalisé Jack Reacher et les trois -qui seront quatre- épisodes de Mission Impossible, il a devenir le cinéaste vedette de Cruise aux côtés de Joseph Kosinski, qui l’a dirigé dans Oblivion et Top Gun: Maverick.
Que propose ce nouvel opus qui malgré ses très longs métrages est le premier volet d’un diptyque qui touchera six heures au total ? Mieux que ça? Non. Beaucoup plus de la même chose à des extrêmes écrasants.Laissant de côté les subtilités des scripts de Towne et Koepp des deux premiers volets -bien qu’autour du méchant, qui est cette fois l’Intelligence Artificielle, une boule est lancée qui malgré l’emmêlement sert parfois de support au spectacle-, a évolué le spécial des effets à l’ère numérique pour rendre possible avec réalisme n’importe quel non-sens exagéré, après s’être mis au milieu de la série Bourne avec son esthétique syncopée qui a renouvelé le film d’espionnage, vu le virage de Craig vers la série Bond, et a rendu public le cinéma d’action commercial aux machines numériques chères et bruyantes, Cruise et McQuarrie n’ont d’autre solution que de grandir et grandir dans des effets d’une spectaculaire écrasante, dans des situations prises bien au-delà de ce qui est acceptable par le plus crédule des spectateurs (qui pourtant les croient), dans des persécutions défiant toute crédibilité (et respect de l’héritage), dans un humour auto-parodiant qui est le sauf-conduit – après tout, c’est un jeu ! – pour se livrer à toutes les exagérations et suspensions du plausible que cela montagnes russes nécessite.
Et le meilleur, c’est qu’il le fait en prenant intelligemment les choses de ses concurrents, mais sans perdre l’air de la franchise. C’est de la pure mission impossible. Et, malgré l’essentiel et de nombreux effets numériques, il conserve un certain air artisanal et analogique qui le place bien au-dessus de ce qui devait être son concurrent au box-office cet été, l’infortuné Indiana Jones qui a si mal viré Ford. Il n’y a pas de concurrence. Le film pop-corn de l’été, c’est ça.